Ces derniers mois, l’authenticité s’est affichée sur le fronton de réseaux sociaux comme TikTok, Snapchat et surtout BeReal. Pourquoi ? Cette tendance répond-elle à un besoin des consommateurs ou de positionnement des marques sur les plateformes social media ? Les utilisateurs s’y retrouvent-ils ? Nous vous éclairons sur cette tendance.
Authenticité contre artifice
En 2020, deux Français ont lancé une application gratuite de partage de photos, BeReal. Son concept est simple : à une heure aléatoire de la journée, vous recevez une notification vous invitant à prendre une photo avec la caméra de façade et de dos de votre téléphone dans les deux minutes. Une fois que c’est fait, vous pouvez accéder à celles de vos contacts dans l’application. Et attention : vous ne voyez rien si vous ne vous montrez pas !
Face aux mises en scène d’Instagram et à l’utilisation communautaire de Snapchat, BeReal propose à ses utilisateurs de voir des moments de la vie plus authentiques. C’est d’ailleurs ce qu’invite littéralement l’application à faire quand elle envoie sa notification : It’s time to BeReal (Il est temps d’être réel) ! La plateforme se présente comme un réseau social « anti-Instagram » et invite les utilisateurs à publier des photos prises sur le vif, sans préparation. Et bien sûr, il n’existe pas de filtre !
L’authenticité attire !
Et ça marche ! Les BeRealers sont heureux de voir que loin d’avoir la vie de rêve si riche qui s’affiche en story sur Instagram, leurs amis s’ennuient comme eux. Et moins de deux ans après son lancement, BeReal se retrouve en tête des téléchargements sur l’App Store d’Apple. La Gen Z, adore !
Et voici BeReal qui devient un challenger de Meta et TikTok. Pour s’aligner et rester attractifs face à cette nouvelle tendance, Meta développe les Candid Challenge dans les stories et lance le Dual Camera Feature qui permet de partager une story qui affiche une photo prise par la caméra de façade et une par la caméra de l’arrière du smartphone. Et TikTok lance de son côté TikTok Now. Leur principe est le même que BeReal.
Un concept pas si nouveau
L’authenticité dans le monde virtuel n’est pas si nouvelle. Rappelez-vous le succès de TikTok qui s’est aussi bâti sur l’authenticité, avec des vidéos verticales, très amatrices, qui répondait en miroir aux productions hyper léchées qu’on retrouvait sur YouTube. À l’origine, YouTube elle-même se présentait comme authentique, avec ces jeunes se filmant tout seuls dans leur chambre !
Cette authenticité se trouve même à la racine d’internet avec les blogs et skyblogs qui ont émergé : le quidam partage sa vie ! Et elle continue encore d’émailler le web à travers ses Onlyfans, Top4Fans…
L’authenticité oui, mais jusqu’à une certaine limite !
Après la lune de miel, l’attrait pour l’authenticité s’estompe face à l’ennui. Ainsi, dans un article du New York Times, un BeRealer a exprimé sa lassitude de voir constamment les mêmes photos ennuyeuses sur son fil, comme des salles de classe ternes ou un ordinateur allumé, car la plupart du temps, les utilisateurs travaillent lorsqu’ils reçoivent une alerte BeReal.
Répondre à l’exigence d’authenticité est complexe. Lorsqu’on nous demande d’être naturels pour une photo, nous adoptons souvent une posture forcée. La question se pose alors face à l’injonction d’authenticité imposée par ces plateformes : quelle photo est la plus authentique, la première ratée ou la dernière réussie ? BeReal tranche et affiche le nombre d’essais avant la bonne photo. Elle ne permet cependant pas d’expliquer les raisons des échecs précédents. Pour elle, seule la première photo compte comme authentique, ce qui n’est pas forcément le cas.
L’authenticité peut être intéressante pour les spectateurs, mais le divertissement prime sur les réseaux sociaux et autres médias. Lorsque l’authenticité s’estompe, il ne reste que l’ennui. Pour perdurer, les créateurs doivent se renouveler, se professionnaliser, comme les stars de YouTube ou les plateformes telles que TikTok et Snapchat, qui mettent en avant du contenu professionnel pour maintenir l’intérêt des utilisateurs.
Et cela, BeReal ne l’a pas encore compris. Résultat, le nombre d’utilisateurs a chuté de 61 % entre octobre 2022 et mars 2023. Et la chute se poursuit. L’application a cartonné grâce à son principe simple et innovant. Néanmoins, à l’image d’un Pokémon GO qui a réussi à redevenir une appli utilisée quotidiennement par des millions de personnes après le creux apparu suite à un lancement phénoménal, BeReal doit développer une nouvelle stratégie pour pérenniser l’utilisation de son appli.
De son côté, Instagram a abandonné le développement de ses Candid Challenge et TikTok a annoncé la fin de TikTok Now.
L’authenticité : un mensonge ?
Nous sommes en droit de nous demander, en effet, si les plateformes ne nous mentent pas quand elles s’affichent comme le lieu de l’authenticité. Oui… et non. Oui, parce qu’elles savent que les contenus diffusés sur leur plateforme n’ont jamais été « authentiques ». Ils ont été mis en scène dès les premiers TikTok de 15 secondes où l’on dansait sur un son. Ils ne sont pas « authentiques » quand l’IA déforme ou améliore les visages, les arrière-plans… Ils le sont de moins en moins, maintenant que les pro de la plateforme alimentent les scrolls.
Ce qu’elles appellent « authenticité » relève plutôt de la « spontanéité ». Ce qui importe n’est pas le résultat, comment il a été constitué, créé… mais l’intention et la proximité avec sa communauté. L’intention d’être vrai, de se montrer tel que l’on est réellement, de manière spontanée, sur Snapchat par exemple, permet à l’utilisateur de se reconnaître dans la scène qu’on lui propose. Et c’est ce qui importe le plus. Comme disait Aristote, pour créer une œuvre qui emportera un lecteur, il ne s’agit pas d’être vrai, mais d’être vraisemblable. Alors oui, tout comme les lecteurs du temps de Platon, les consommateurs de réseaux sociaux sont davantage touchés, connectés aux posts qui leur semblent vraisemblables, proches de leur vécu – ce qui ne les empêchent de continuer d’aimer ces influenceurs qui mettent en scène leur vie à Dubaï.
Alors, authenticité sur les réseaux sociaux : artifice ou réalité ? Artifice qui tente de reproduire la réalité, sa spontanéité et son authenticité. Et n’est-ce pas exactement l’essence même de l’art, que ce soit de Gustave Courbet à Ken Loach ?
Et qu’en est-il pour les annonceurs ?
Les marques se doivent d’adopter les codes des plateformes et intégrer l’idée de proximité, comme nous vous en parlions dans de précédents articles à propos de Meta et de TikTok.
Si vous souhaitez que votre publicité soit vue jusqu’à la fin plutôt que zappée, elle doit se fondre dans le fil organique des utilisateurs. Pour cela, elle doit reprendre les codes de la spontanéité, avec l’utilisation d’éléments organiques (stickers, emplacement de texte), des vidéos qui ne montrent pas la « perfection » comme les publicités traditionnelles… Cela se traduit aussi sur TikTok par des créations faites par des influenceurs qu’ils pourraient poster de manière organique. Parmi nos clients qui ont testé les créas institutionnelles Vs des créas influenceurs, les résultats sont souvent à l’avantage des créas influenceurs.
Alors à tous, utilisateurs et annonceurs : montrez-vous spontanés, proches de votre audience, et votre propos sera mieux entendu.