Temu, nouvelle marketplace chinoise, arrive en France en avril 2023. Dès mai, elle apparaît sur nos radars. À partir d’août, elle devient le Top Concurrent sur certains segments de produits chez quelques-uns de nos annonceurs, jusqu’à les devancer à partir d’octobre. Quelles stratégies doivent adopter les annonceurs face à ce nouveau géant chinois ? Entretien avec Élodie Nantes, Responsable Data & Innovations chez Keyade.
Qu’est-ce que Temu ?
Temu est une marketplace chinoise qui propose des produits défiant toute concurrence. Elle est toute jeune (juillet 2022), mais son arrivée fait parler d’elle sur tous les marchés car elle s’impose en force. Par exemple, elle arrive aux États-Unis en septembre 2022 et devient dès novembre numéro un des téléchargements de l’App Store devant Amazon et Walmart. Le phénomène se reproduit en Europe : elle se lance en avril 2023 en France, en août elle est déjà l’application gratuite la plus téléchargée d’iOS et d’Android.
Cette arrivée en fanfare ne se fait pas sans heurts, elle est très controversée, et partout dans l’Occident, elle pose de nombreux problèmes en termes de sécurité (elle renfermerait un logiciel espion), de travail forcé des Ouïghours ou d’impact écologique.
Qu’est-ce qui explique un tel succès ?
Il y a deux mécanismes :
- des prix ridiculement bas, avec des bijoux à 1€ ou des appareils photo à 15€, par exemple. En arrivant sur Temu, l’utilisateur a l’impression que tous les achats sont possibles ! Avec cette logique de Fast Fashion, c’est d’ailleurs une aberration écologique à l’heure où la société cherche plutôt à inscrire un vrai changement de consommation durable ;
- un marketing surpuissant et agressif fondé sur le « shopatainment », avec entre autres des mini-jeux pour gagner des promotions ou choisir ses produits mode et beauté, des liens de parrainages pour fidéliser et accroître sa clientèle, des récompenses pour les utilisateurs qui se connectent régulièrement, etc.
Ses moyens marketing paraissent illimités. En février, elle s’offre même le luxe de s’acheter 30 secondes de pub à la mi-temps du Superbowl pour la bagatelle de 7 millions de dollars.
Et c’est pareil en Search ?
Oui. Aux États-Unis, Temu prévoit de multiplier par quatre ses investissements en 2024 pour atteindre des sommes folles.
De notre côté de l’Atlantique, elle débarque en France en avril 2023. En mai, elle apparaît dans tous nos radars de surveillance de la concurrence des activations SEA de nos annonceurs. Dès cet été, elle atteint des niveaux assez hauts dans la concurrence. En août, sur certains segments de produits de nos annonceurs, elle devient le principal concurrent pour arriver à dépasser nos clients dès octobre. Conséquence la plus impactante, nos CPC augmentent et certains annonceurs se retrouvent avec un déport de business chez Temu. Dans le retail, ça a été la douche froide à la rentrée : inflation, contexte de guerre, été indien qui n’en finit pas et n’invite pas à acheter des vêtements d’hiver… les consommateurs ont freiné leur consommation. Et voilà que Temu arrive !
Faut-il donc casser la tire-lire pour rester en lice et ce d’autant plus que les fêtes de fin d’année arrivent ?
Surtout pas ! Nous ne pouvons pas gagner la course à l’investissement face à quelqu’un qui dispose de moyens aussi fous et un business model loin de ceux de nos annonceurs. Car ne l’oublions pas, Temu est pour le moment loin d’être rentable : elle perdrait 30 dollars par commande aux USA. Nous devons nous recentrer sur nos fondamentaux, avec :
- un monitoring des campagnes fin et qualitatif, pour assurer un pilotage le plus adapté à la situation mais surtout la période. Les CPC vont être impactés à la hausse cette fin d’année (on le subit déjà) et si la demande utilisateur n’augmente pas, nos annonceurs risquent de subir une baisse de trafic à budget iso à 2022. Plus que jamais, l’hygiène des campagnes et un pilotage de qualité pour assurer la rentabilité seront essentiels ;
- des annonces qui mettent en avant les éléments différenciants de la marque, comme le made in France. C’est le moment de nous assurer que les prises de parole sont de qualité, pour marquer la différence face à Temu.
Pour le Black Friday, par exemple, nous avons pris le temps de nous assurer que tous nos setups de campagnes sont bons, que les flux sont de qualité, que les annonces sont pertinentes et percutantes. Nous n’allons pas forcément augmenter les budgets.
Quels secteurs d’activité sont concernés ?
Pratiquement tout le monde : décoration, jouets, fashion, beauté ou literie… À l’image d’un Wish ou d’un Amazon, je pense que cela concernera très rapidement 80% des annonceurs.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Nous allons faire ce que nous avons toujours fait chez Keyade : surveiller, analyser, sensibiliser nos annonceurs, reporter et nous adapter. Cela ne nous fait pas peur. Nous avions déjà vu (res)surgir Amazon à la sortie du Covid plus fort que jamais après plusieurs mois sans présence de sa part… et nous sommes encore là pour en parler.