La date limite laissée aux géants du web par l’UE pour se conformer à son nouveau règlement, le Digital Services Act (ou DSA), est passée. Où en sont-ils ? Qui sont les bons et les mauvais joueurs ?
Rappel liminaire : DS… quoi ?
Le Digital Services Act est un règlement européen qui vise à rendre illégal en ligne ce qui l’est dans la vie réelle. Les deux éléments extrêmement importants portent sur :
- la lutte contre les contenus illicites ou haineux :
- les plateformes ont l’obligation de faciliter leur signalement et d’intervenir rapidement,
- celles-ci doivent coopérer avec des « signaleurs de confiance » dont les notifications sont traitées en priorité. En France, il s’agit de la plateforme gouvernementale Pharos ;
- le ciblage publicitaire :
- il est désormais interdit de cibler les mineurs,
- l’utilisation des données sensibles en critère de ciblage, comme l’orientation sexuelle, la religion ou l’origine ethnique, est prohibée ;
Le DSA vise aussi à instaurer plus de transparence des plateformes. Ces dernières doivent :
- expliquer le fonctionnement des algorithmes qu’elles utilisent pour recommander certains contenus publicitaires en fonction du profil des utilisateurs, y donner accès aux chercheurs et réaliser des audits indépendants tous les ans, sous le contrôle de la Commission européenne. Le recours à des dark patterns (ou « pièges à utilisateurs ») dans les interfaces et autres pratiques visant à induire les utilisateurs en erreur sont interdites ;
- donner la possibilité aux utilisateurs de choisir une autre option (au moins) à la recommandation de contenus s’appuyant sur l’utilisation des données personnelles ;
- communiquer pour chaque publicité certaines informations, comme le nom de l’annonceur et du payeur dans des « bibliothèques publicitaires ».
Ce règlement s’applique dans toute l’Union européenne. Tous les services numériques devront se mettre en conformité d’ici le 17 février 2024. Cependant, 19 « très grandes plateformes », celles qui comptent plus de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels) sont concernés depuis le 25 août dernier : Google, Microsoft, Amazon, Facebook, LinkedIn, TikTok, Snapchat, Instagram ou encore X (ex-Twitter).
En cas de non-respect, elles peuvent recevoir une amende allant jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires annuel, voire être exclues du territoire européen.
Qui est déjà dans les clous ?
Pour se mettre en conformité, les plateformes ont introduit des changements ces dernières semaines. À ce jour, Meta, Pinterest, Snapchat, X et d’autres se sont pliés aux règles du DSA.
De son côté, Google n’a pas encore fait grand-chose, considérant avoir déjà mis en place une bonne partie des éléments imposés par le règlement. En effet, elle permet depuis 2012 de traiter en priorité les signalements de partenaires dans le cadre de son programme Priority Flagger. Et depuis 2021, elle ne permet plus de créer de publicité personnalisée à destination des personnes de moins de 18 ans. Elle indique seulement que le reste des obligations imposées par le DSA est en cours de déploiement.
Conséquences immédiates
Le DSA a déjà eu des conséquences tangibles et visibles par tous les utilisateurs. Certaines plateformes, comme Meta, TikTok et Snapchat, ont permis aux utilisateurs de désactiver les algorithmes de recommandations personnalisées. Cela représente une décision majeure pour TikTok, dont le célèbre « Pour toi » a été le moteur de son succès – et de l’addiction de certains de ses utilisateurs. LinkedIn, de son côté, a étendu son fil chronologique.
Meta, TikTok et X exigent désormais des annonceurs qu’ils fournissent des informations sur les bénéficiaires de l’annonce et le payeur.
Amazon, l’exception
Amazon[1] fait bande à part en contestant son statut de très grande plateforme en ligne. Elle estime que seules les entreprises dont la publicité est la principale source de revenus devraient être concernées par le DSA. Amazon soutient que le DSA vise principalement à lutter contre les fake news, un problème qui ne concerne pas un site de commerce électronique. La Cour de justice de l’Union européenne tranchera dans les prochains mois.
En conclusion, le DSA est en train de révolutionner le paysage du marketing digital en Europe. Les plateformes et les annonceurs doivent s’adapter rapidement pour se conformer à ces nouvelles règles, qui placent la transparence et la protection des utilisateurs au premier plan. Et ce n’est que la première jambe d’un dyptique que le DSA forme avec le DMA (Digital Market Act) dont les délais de mise en conformité arriveront à terme en 2024 ! Nous vous en parlerons dans les prochaines semaines.
[1] Zalando conteste également son intégration dans la liste des très grandes plateformes en ligne, réfutant le nombre d’utilisateurs mensuels de 45 millions.