Si vous avez observé une augmentation de la récurrence du mot « cookie » dans la presse digitale ces derniers jours, ce n’est pas parce que vous êtes obsédé par le sucre (quoique…) mais bien parce que trois actualités concernant ces petits traceurs digitaux ont fait couler de l’encre de manière concomitante.
Actualité n°1 : en France, la CNIL publie de nouvelles recommandations sur le recueil du consentement
A la CNIL, on n’aime pas beaucoup les cookies. En juillet dernier, la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés est revenue sur sa définition de la valabilité du consentement des internautes au dépôt de cookies sur leur navigateur. Dans les grandes lignes, la Commission considère désormais que « continuer à naviguer sur un site web ne constitue pas une action positive claire assimilable à un consentement ». Le 14 janvier 2020, la CNIL a donc publié un projet de recommandation précisant ses attentes en matière de recueil du consentement (à grand renfort d’illustrations), après six mois de concertation avec les professionnels de la publicité et les associations de défense des internautes. Et c’est là que le bât blesse…
Selon les nouvelles précisions de la CNIL, il doit être aussi simple d’accepter que de refuser le traçage par les cookies, laissant les internautes seuls maîtres d’intérêts qu’ils ne saisissent pas forcément dans toute leur ampleur (sans consentement, pas de comptage, pas de mesure de visibilité, mais pas non plus de publicité ciblée ni de capping publicitaire…). Par ailleurs, la CNIL fait fi du fait que les cookies constituent le fondement de l’économie digitale et que les conséquences de ses recommandations pourraient avoir un impact colossal sur un marché pesant près de 3 milliards d’euros* en France.
Pour le moment, l’adoption des recommandations de la CNIL n’a pas encore été validée. Tous les espoirs des acteurs du digital sont tournés vers le recours déposé devant le Conseil d’Etat par 9 associations de professionnels de la publicité. Ces associations espèrent faire reconnaître l’excès de zèle de la CNIL, qui écrit elle-même que son projet propose d’aller « au-delà des exigences légales ». Affaire à suivre…
*22ème Observatoire de l’e-pub, SRI
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Actualité n°2 : Google met à jour son navigateur Chrome avec une nouvelle politique de gestion des cookies
Cela fait déjà plusieurs mois que Google a annoncé la mise à jour de son navigateur Chrome, prévue pour le 4 février prochain. Dans le cadre de son programme Privacy Sandbox (voire paragraphe suivant), la firme prend des mesures pour donner plus de place au respect de la vie privée des utilisateurs, s’alignant ainsi avec la position de ses concurrents Apple et Mozilla.
Mi-janvier, Google a pris la parole une nouvelle fois pour rappeler aux éditeurs et aux annonceurs que la mise à jour de Chrome du 4 février sera assortie d’une nouvelle politique de gestion des cookies. Concrètement, Google classera les traceurs selon leur pertinence, limitera le tracking entre les sites et ne permettra plus le dépôt de cookies non labelisés SameSite.
Pour les annonceurs, cette mise à jour ne devrait pas impacter la continuité de la mesure si celle-ci a bien été anticipée avec les solutions de mesure partenaires. Chez Keyade, les annonceurs qui utilisent la solution de mesure propriétaire de l’agence ont déjà reçu un email du Pôle Consulting Analytics pour la mise à jour des éléments concernés sur leur site.
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Actualité n°3 : Google a annoncé la suppression des cookies tiers d’ici 2 ans
Le 14 janvier, dans un billet de blog, le directeur de Google Chrome Justin Schuh est revenu sur l’avancement du programme Privacy Sandbox (lancé en août 2019), programme qui regroupe les initiatives de Google pour « rendre le web plus privé et sécurisé pour les utilisateurs tout en soutenant les éditeurs ». Justin Schuh a notamment publié une déclaration qui a fait trembler le web : Google supprimera progressivement les cookies tiers d’ici deux ans.
Oui, on parle bien du navigateur qui concentre environ 70% du trafic internet mondial et dont le modèle économique est basé sur la collecte de données grâce aux cookies. Pour autant, Google n’abandonne pas le principe de collecter des données et assure même que les annonceurs seront toujours en mesure de diffuser des messages publicitaires ciblés. Ce sont les procédés de collecte que le géant remet en cause, dans l’intention de respecter (d’anticiper !) les réglementations juridiques qui n’en finissent plus de durcir le ton (coucou le RGPD et la CNIL).
Quelles solutions Google compte-t-il apporter ?
Selon les premières sources, la firme américaine travaille au développement de 5 API pour remplacer les cookies :
- Trust : une API qui permettra d’identifier l’utilisateur comme un être humain en renseignant une seule fois un programme de type CAPTCHA.
- Conversion Measurement : l’API alternative aux cookies qui permettra à un annonceur de savoir si les internautes ont vu sa publicité, visité son site, acheté son produit.
- Privacy Budget : une API qui limitera le volume de données auxquelles les annonceurs pourront avoir accès dans l’interface de Google.
- Federated Learning of Cohorts : une API qui utilisera le machine-learning pour étudier les comportements de navigation de groupes d’utilisateurs similaires.
- PIGIN (Private Interest Groups Including Noise) : une API au sein de laquelle les utilisateurs pourront indiquer les groupes d’intérêts qu’ils souhaitent suivre.
Premier constat : les données restent dans le navigateur des utilisateurs, navigateur qui est édité… par Google.
Second constat : Google développe cette solution en open source et invite tous les acteurs de l’écosystème (éditeurs, développeurs, annonceurs et même… navigateurs !) à apporter leur contribution. Le géant ne cache pas son ambition de faire de ce procédé de collecte un nouveau standard pour tout le marché.
Dans ces conditions, on ne peut s’empêcher de penser que la suppression des cookies et les solutions pour les remplacer ne feront que renforcer la toute-puissance de Google sur un marché qu’il domine déjà. A force d’exiger le respect de la vie privée et de réguler sans comprendre parfaitement les implications, le secteur du digital se retrouve une fois de plus livré au bon vouloir des géants.
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Pour conclure, on espère que « vous y entendez un peu plus clair » au sein de tout ce bruit provoqué par les cookies. Comptez sur nous pour continuer de partager nos points de vue lorsque le bruit ne manquera pas de se transformer en vacarme.